Andrey Rublev et la bataille invisible des champions
Il y a des jours où même les guerriers posent les armes. Où même les meilleurs, ceux qu’on imagine invincibles derrière leurs coups droits foudroyants, craquent. Andrey Rublev, le poing souvent serré, le regard habité, fait partie de ces joueurs qui ne trichent pas avec leurs émotions. Ces derniers temps, c’est sur un tout autre terrain qu’il s’est exprimé : celui de la santé mentale.
Quand Alexander Zverev a confié ne plus ressentir de joie sur un court, Rublev a écouté. Puis il a parlé. Et ses mots ont frappé juste. Pas pour blâmer. Pas pour faire le show. Mais pour raconter ce que ça fait, de vivre avec ce sport comme une obsession brûlante, parfois étouffante.
Le poids de l’amour du jeu
“Ceux qui n’aiment pas le tennis sont plus détendus. Ils s’en fichent, ils ont peut-être d’autres priorités”, glisse Rublev, comme s’il posait une vérité trop souvent ignorée. Chez lui, le tennis n’est pas un métier. C’est une partie de lui. Un moteur. Mais aussi une source d’angoisse, de pression, de lutte intérieure permanente.
Pour ceux qui vibrent à chaque échange, chaque revers, chaque tie-break, le tennis devient une sorte de déclencheur. Un catalyseur d’émotions profondes. “C’est quelque chose en vous que vous devez apprendre à gérer”, répète Rublev, presque comme un mantra. Le problème n’est pas le tennis. Le problème, c’est ce qu’il révèle.
Ce que le court ne montre pas
Rublev, comme souvent, va plus loin. Il démonte l’illusion que la fatigue mentale viendrait des matchs à répétition. “Tu peux dire que tu es épuisé, que tu enchaînes trop, mais ça va bien au-delà”, lâche-t-il. En réalité, ce n’est pas le tennis qui use. C’est ce qu’il reflète. Cette pression permanente de devoir être à la hauteur. De ne jamais montrer de faille.
“Ça arrive à tout le monde”, affirme-t-il avec une lucidité désarmante. Même à Zverev. Même à ceux qu’on croit invincibles. Parce que le court, ce rectangle de lignes blanches, est bien plus qu’un terrain de jeu. C’est un miroir. Il renvoie nos doutes, nos peurs, nos blessures invisibles. Il les rend impossibles à ignorer.
Apprendre à danser avec ses tempêtes
Alors, que faire quand la passion devient un fardeau ? Rublev a sa réponse. Elle ne passe pas par les trophées ou les classements. Elle passe par l’équilibre. Par cette capacité à faire la paix avec soi-même. À accepter qu’aimer le tennis n’est pas toujours synonyme de plaisir. Que certains jours, ce sera dur. Et que c’est normal.
“Il faut apprendre à gérer ce qu’on ressent”, dit-il. À poser le sac de raquettes de temps en temps. À respirer. À parler. Parce que la clé, elle est là : dans cette lucidité à admettre que le vrai combat se joue en dedans, bien plus qu’en face d’un adversaire classé top 10.
Un témoignage qui casse les silences
En parlant sans filtre, Rublev fait plus que livrer une confession. Il tend une main. Aux autres joueurs. Aux jeunes. Aux passionnés qui, parfois, perdent de vue pourquoi ils sont tombés amoureux du tennis. “Le tennis, ce n’est que le déclencheur”, résume-t-il. Le reste, c’est une affaire d’âme, de cœur, de courage.
Et peut-être que c’est ça, le plus beau. Ce sport qu’on dit si solitaire, si brutal, devient un lieu de partage. De vulnérabilité. De renaissance. Grâce à des voix comme celle de Rublev, la joie n’est plus une illusion. Elle devient un cap. Quelque chose qu’on peut retrouver, pas à pas, échange après échange.
Parce qu’au fond, le plus grand match d’un joueur ne se joue pas sur le central. Il se joue en lui-même.
Crédit photo : FirstSportz
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