Ben Shelton, coupé en plein vol : l’interruption lunaire qui relance le débat à Wimbledon
C’est le genre de coupure qui fait lever un sourcil, secouer la tête, et soupirer devant son écran. Mercredi soir, sur le gazon parfaitement millimétré de Wimbledon, Ben Shelton déroulait son tennis. Solide, explosif, concentré comme rarement. Il menait deux sets à rien face à l’Australien Rinky Hijikata, le break en poche dans le troisième. Et puis, à 21h28, rideau. Littéralement.
Match stoppé. Interruption pour obscurité.
Un timing qui interroge
Pas d’orage. Pas de blessure. Pas de débordement. Juste la tombée du jour et une règle floue comme un ciel londonien. Le superviseur monte sur le court, échange quelques mots, et annonce que la partie reprendra… demain. À ce moment-là, Shelton mène 6-7, 5-7, 5-4. Il est en contrôle. Il a le match dans la raquette. Et soudain, le momentum s’évapore dans l’air frais du soir, alors que Shelton allait servir pour le match.
Frustration ? Évidemment. Le regard du jeune Américain ne triche pas. Il serre les dents, serre les poings, serre les lèvres. On devine qu’il ravale des pensées qu’on ne dira pas devant le micro. « C’est frustrant, oui. Mais ça fait partie du processus », lâchera-t-il ensuite, en mode diplomatique. Mais tout le monde a compris : il l’a en travers de la gorge.
La règle… ou l’arbitraire ?
Alizé Cornet, consultante sur beIN Sports, n’a pas mâché ses mots. « C’est contestable. Très contestable. » L’ex-joueuse pointe du doigt une incohérence connue de tous dans les coulisses du tennis pro : l’application des règles d’interruption, censées être claires (en théorie), mais souvent modulées à la tête du client, ou selon le caprice d’un superviseur.
« Normalement, on interrompt à la fin d’un jeu pair. Là, ils le font quand ça les arrange. Et les joueurs subissent. » Pas la langue dans sa poche, Cornet. Et elle n’est pas la seule à grincer des dents. Sur les réseaux, dans les loges, dans les couloirs, les murmures sont les mêmes : pourquoi couper un match aussi bien lancé, alors que quelques minutes de jeu supplémentaires auraient suffi à le plier ?
Un sport, deux vitesses
Le cas Shelton n’est pas isolé. Depuis des années, les joueurs dénoncent une gestion erratique de ces situations crépusculaires. Un Djokovic ou un Federer aurait-il été interrompu à ce moment-là ? Pas si sûr. L’Américain, 21 ans, pas encore membre du club VIP du circuit, en paie le prix.
Il ne s’agit pas de favoritisme flagrant, mais de cette zone grise où l’expérience, le prestige, et le statut pèsent inconsciemment dans la balance. Et Shelton, aussi flamboyant soit-il sur le court, ne pèse pas encore assez lourd dans les décisions d’officiels parfois frileux.
Un mental à toute épreuve
Mais attention. Le gamin n’a pas dit son dernier mot. Au contraire. Cette interruption, aussi absurde soit-elle, pourrait bien devenir un carburant. Une nuit pour digérer, ruminer, et revenir avec la rage froide des compétiteurs qui n’oublient rien.
Et c’est exactement ce qu’il a fait : retour sur le court, fin expédiée. Hijikata n’a rien vu venir. Shelton, lui, n’avait qu’un objectif : finir ce qu’il avait commencé. Il l’a fait avec calme, puissance, et un regard qui en disait long.
Leçon de résilience, mais alerte persistante
Dans le fond, ce mini-incident n’aura pas changé le destin du match, puis que le lendemain, Ben remporte son match sur un jeu blanc. Mais il soulève une question plus large : jusqu’à quand le tennis va-t-il tolérer ces décisions arbitraires sous couvert de « tradition » ? Les grands tournois aiment se draper dans leur héritage, mais à l’heure des stades modernes et de la technologie omniprésente, est-il encore admissible de couper un match pour manque de lumière… sur un court central, sans toit fermé ?
Shelton, lui, avance. La colère est digérée, transformée en motivation. Mais dans les tribunes, les télés, et les forums de fans, la question reste : combien de matchs faudra-t-il encore interrompre au pire moment pour que le règlement s’aligne enfin sur le jeu ?
Laisser un commentaire