Le poste de numéro neuf, ce totem d’un autre temps, ce poste mythique à l’ancienne, a longtemps été déclaré en voie d’extinction. Enterré sous les vagues de faux neuf, d’ailiers reconvertis et de systèmes sans attaquants de métier. Mais pendant que les analystes débattaient et que les formations tactiques se vidaient de leurs buteurs, la Scandinavie, elle, n’a jamais cessé d’y croire. Et aujourd’hui, elle récolte les fruits de cette fidélité.
En Premier League, la crème du championnat anglais, trois des cinq meilleures équipes de la saison 2025-26 s’appuient sur des avants-centres scandinaves. Un retour de flamme spectaculaire pour ce rôle jadis roi, aujourd’hui réinventé par le froid du Nord.
Haaland, Isak, Gyökeres : la trinité du grand Nord
À Manchester City, Erling Haaland est déjà une religion. Machine à buts, monstre de précision, cyborg d’efficacité — à seulement 25 ans, le Norvégien a redéfini ce que signifie être un pur buteur dans le football moderne. Pas de fioritures, peu de mots, que des buts. Beaucoup de buts.
De l’autre côté du pays, à Newcastle, Alexander Isak enfile les perles avec une grâce presque désinvolte. Moins bulldozer que son homologue norvégien, mais plus fluide, plus technique, Isak est un mélange rare : la taille d’un pivot, les appuis d’un ailier. Il dribble, il élimine, il frappe. Et il marque.
Et bientôt, c’est Viktor Gyökeres qui rejoindra l’élite anglaise, attendu à Arsenal pour un deal avoisinant les 65 millions de livres. Puissant, agressif, infatigable dans le pressing, le Suédois arrive comme le dernier maillon d’une chaîne qui relie les terres scandinaves aux surfaces anglaises.

Contre-courant nordique
Ce qui frappe, au-delà des noms, c’est la symbolique. Alors que les modes tactiques récentes ont mis l’accent sur les ailiers stars, les faux neuf et les milieux offensifs ultra-mobiles, la Scandinavie reste fidèle à son ADN : produire des attaquants centraux, des vrais. Ceux qui vivent dans la surface, qui sentent le but, qui marquent sans trop réfléchir.
Des voix comme Alan Shearer — icône de l’avant-centre pur jus — ont souvent déploré la disparition du “9 classique”. Et voilà que la Norvège, la Suède et le Danemark (22 millions d’habitants à eux trois) sortent d’un silence productif pour relancer la tendance, avec une efficacité désarmante.
Un héritage, une résilience
Bien sûr, ce n’est pas nouveau. Ces terres ont donné des noms comme Henrik Larsson, John Carew ou Jon Dahl Tomasson. Mais à l’heure où les grands championnats européens privilégient la vitesse sur les côtés et les constructions patiemment articulées autour du milieu, le retour de ces numéros neuf puissants sonne presque comme un acte de résistance.
Il y a une décennie, les statistiques racontaient une autre histoire. En 2012-2013, les joueurs scandinaves n’avaient marqué que 77 buts dans les cinq grands championnats européens. Un plancher. Mais depuis, la courbe a changé. Lentement, sûrement, à la scandinave. Et aujourd’hui, ces buteurs sont de retour au sommet.
Un vent froid sur l’Europe, et des filets qui tremblent
Ce n’est pas qu’une question de chiffres. C’est une question de présence, de style, d’impact. Haaland claque, Isak éclaire, Gyökeres arrive pour tout casser. Chacun à sa manière, ils incarnent une version modernisée du numéro neuf : grand, puissant, mais mobile, intelligent et clinique devant le but. Le prototype a évolué, mais le cœur du poste est intact.
Dans un football mondialisé, où les influences sud-américaines, africaines et méditerranéennes dictent souvent les tendances, la Scandinavie s’affirme. Non pas comme un contre-modèle, mais comme un rappel : le poste de buteur n’a jamais été un caprice tactique. C’est un besoin vital. Et là-haut, dans le froid, on ne l’a jamais oublié.
Crédit photo : IMAGO/Gonzales Photo
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