Las Vegas, des pions à la place des dunks
Quinten Post n’a pas claqué un dunk. Il n’a pas claqué un trois points non plus. Mais à Las Vegas, le pivot des Warriors a quand même remporté un tournoi. Un tournoi… d’échecs. Oui, d’échecs.
Bienvenue au “Chesstival”, une idée aussi barrée que géniale signée Derrick Rose, où les stars NBA troquent leurs baskets pour réfléchir en silence, front contre front, dans une salle où le mot “pick and roll” désigne une ouverture sicilienne plutôt qu’un écran haut.
Le pivot qui régnait sur l’échiquier
Quinten Post, 2m16 de concentration hollandaise, n’était pas le favori. Surtout pas dans une salle où Rajon Rondo analyse des positions comme s’il disséquait une défense en zone, et où Grant Williams joue main dans la main avec une légende comme Judit Polgar.
Mais pièce après pièce, Post a avancé, contourné les pièges, anticipé les ouvertures. Soutenu par la joueuse indienne Tania Sachdev, il s’est frayé un chemin jusqu’au sommet. Pas en ligne droite. Il s’est même fait sortir de la première phase, le fameux mode “Head & Hand”, où chaque basketteur jouait selon les indications d’un pro. Mais Post a rebondi dans les matchs à élimination directe, battant Tony Snell, Harrison Ingram, Daryl Morey (eh oui), et De’Anthony Melton. Résultat : 25 000 dollars versés à une association caritative. Roi sur l’échiquier, mais classe dans la défaite aussi.
Derrick Rose et l’échiquier freestyle
C’est Derrick Rose lui-même qui a lancé le projet, façon architecte fou de Las Vegas. Son idée ? Un tournoi “freestyle”, où les pièces (sauf les pions) sont placées aléatoirement en début de partie. Résultat : pas de théorie, pas de mémoire robotique. Juste de l’instinct, de la créativité et un poil de panique chez les puristes.
Le format “Head & Hand” ? Le joueur d’échecs choisit la pièce. Le basketteur l’exécute. Et là, il fallait se comprendre vite et bien. Pas simple, même avec des cracks comme Judit Polgar ou Fabiano Caruana à ses côtés.
Grant Williams et la gaffe qui coûte cher
Grant Williams, associé à Polgar, avait tout pour aller au bout. Mais en finale de la première phase, un coup mal interprété par Fabiano Caruana a tout fait basculer. Il pensait que Tony Snell allait temporiser. Raté : le bonhomme a sacrifié son cavalier pour prendre le fou. Boom. Partie perdue, tournoi relancé.
Comme quoi, même avec un 2800 Elo dans le dos, un geste mal lu, une consigne floue, et ça part en vrille.
Le rêve éveillé face à Magnus Carlsen
En récompense de son titre, Quinten Post a eu droit à un face-à-face contre Magnus Carlsen. Le genre de moment où le chrono semble s’arrêter. Il a perdu, évidemment. Mais peu importe. Ses deux grands-pères, tous deux passionnés d’échecs, auraient été fiers. Et Post ? Il a savouré chaque seconde.
« Je ne pense pas avoir déjà été aussi nerveux pour une partie », a-t-il lâché en rigolant. « Mais franchement, c’est un honneur. »
Des rois et des fous, mais surtout du jeu
Ce tournoi n’a rien changé au classement NBA. Il n’a pas non plus offert de bague. Mais dans cette ligue où chaque geste est disséqué, chaque défaite sur-analysée, le “Chesstival” a été une respiration bienvenue. Un moment pour voir les joueurs autrement. Moins dans l’exploit, plus dans le plaisir. Moins dans le show, plus dans la réflexion.
Crédit photo : Bill Streicher-Imagn Images
Laisser un commentaire