Belichick et Kraft : un mariage de raison, une dynastie sous tension
Dans l’histoire de la NFL, il y a des duos légendaires. Montana et Walsh. Brady et Belichick. Belichick et… Kraft.
Oui, ce dernier n’a jamais porté de casque ni appelé un blitz en troisième tentative. Mais sans Robert Kraft, pas de dynastie. Et sans Bill Belichick, pas de bannières au plafond du Gillette Stadium.
Deux visions du football. Deux égos bien trempés. Deux icônes liées pour l’éternité, malgré les frictions. Et derrière les six bagues communes, un partenariat aussi brillant que tendu, qui vient de tirer sa révérence.
2000 : Un pari à double tranchant
Quand Robert Kraft a embauché Belichick en 2000, il ne s’agissait pas d’un coup de poker. C’était carrément la table de poker en feu.
“J’ai pris un grand risque”, a lâché Kraft dans Dudes on Dudes, le podcast aux punchlines XXL de Julian Edelman et Rob Gronkowski.
À l’époque, Belichick sort d’un passage mitigé chez les Browns (36-44) et vient tout juste d’être nommé coach principal des Jets… avant de démissionner au bout de 24 heures sur un coin de serviette.
Un vrai thriller de bureau. Résultat : les Pats envoient un choix de premier tour à New York pour récupérer le stratège barbu.
Mais l’histoire est plus complexe que ça. Belichick n’était pas juste un coach au CV flou. Il était l’héritier de Bill Parcells, un savant du football en avance sur son temps. Et il avait flairé l’instabilité côté Jets. Il voulait un propriétaire stable, un projet sur lequel bâtir. Kraft cochait ces cases.
Et Kraft ? Il voulait un maître à penser. Un cerveau froid. Quelqu’un qui allait faire le ménage sans état d’âme. Belichick était le type parfait… pour provoquer des étincelles.
Le départ, c’était pas l’idylle
Les Patriots de 2000, c’était loin du glamour actuel. L’équipe avait été démantelée depuis la finale AFC de 1996, croulait sous les contrats pourris et était au-dessus du cap salarial de 10 millions.
Pendant ce temps, les Jets étaient armés, finalistes de conférence un an plus tôt, avec une base solide. Mais Belichick a changé de camp, et avec lui, l’histoire du football moderne.
Il fallait tout reconstruire à New England. Le roster. L’identité. La culture. Et surtout, il fallait trouver un quarterback.
Spoiler : c’est fait au sixième tour. Pick 199. Tom Brady.
Dynastie sur la pelouse, friction en coulisses
Les résultats ? On les connaît. Six Super Bowls. Neuf finales. Deux décennies de terreur.
Les Patriots sont devenus une religion. Belichick, une légende froide. Kraft, un patron vénéré.
Mais dans l’intimité, c’était plus corsé.
Dans la série The Dynasty sur Apple TV+, Kraft ne cache pas sa frustration :
“Belichick est un casse-pieds.”
Pas besoin de sous-titres. L’amour professionnel, oui. Le respect, sûr. Mais la cohabitation n’a jamais été douce. Pas avec un coach aussi hermétique, aussi peu diplomate. Pas avec un proprio aussi présent, aussi investi dans l’image de sa franchise.
Et quand Brady claque la porte en 2020, la fissure s’élargit. Kraft a soutenu TB12. Belichick a campé sur ses principes. L’histoire d’un divorce qui s’est fait en silence… jusqu’à ce que le coach lui-même quitte le navire en janvier 2024, après 24 saisons et un dernier chapitre douloureux.
Belichick, l’héritage malgré tout
Malgré les piques, les silences gênants et les regards évités dans les couloirs, le respect est là.
“J’ai sacrifié un premier tour pour un coach qui avait gagné 40% de ses matchs. Et pourtant, il est resté 24 ans. On s’en est pas mal sortis”, a glissé Kraft, mi-sérieux, mi-sarcastique.
Derrière l’ironie, un hommage sincère à l’homme qui a tout changé.
Belichick a redéfini le coaching. L’approche analytique. L’adaptation de semaine en semaine. Le “faire plus avec moins” qui est devenu la norme.
Son duo avec Brady a été le meilleur de tous les temps. Mais sa capacité à gagner avec Matt Cassel, Jacoby Brissett, ou encore Mac Jones (un peu moins longtemps), témoigne de sa science du jeu.
Deux visions, un même but : gagner
Ils étaient opposés sur bien des choses. La gestion humaine. L’ouverture médiatique. Les priorités sportives.
Mais sur un point, Belichick et Kraft étaient alignés : le besoin viscéral de gagner.
C’est ce feu commun qui a porté les Pats au sommet. Et c’est aussi ce feu qui les a parfois consumés de l’intérieur.
Aujourd’hui, Belichick cherche un nouveau défi. Kraft, lui, tourne la page et prépare l’avenir avec Jerod Mayo.
Mais l’héritage est scellé dans le granit. Un des plus grands duos de l’histoire du sport, aussi complexe qu’efficace.
Parce que oui, dans ce jeu de pouvoir et de pigskin, les relations parfaites sont surfaites. Ce qui compte, c’est ce que tu construis ensemble.
Et à ce jeu-là, Kraft & Belichick ont réécrit les règles.
Crédit photo : Imago / Zuma Press / MGN
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