Les rois de Wimbledon : qui trône vraiment sur le gazon ?
Wimbledon, c’est le tournoi qui sent la fraise à la crème, la tradition à l’anglaise… mais aussi la sueur, la pression, et le bruit sourd des balles qui claquent sur un gazon rasé au millimètre. C’est là, sur ce rectangle vert, que se joue une partie de l’histoire du sport, chaque été. Là que se fabriquent les légendes.
Mais entre les vestes blanches, les révérences à la Royal Box et les « silence please », une question brûle toujours les lèvres : qui est le véritable roi du gazon ?
Federer, Djokovic, Sampras : la trilogie des titans
Wimbledon a vu passer des poètes, des guerriers, des artistes. Mais trois noms s’imposent quand on parle de domination pure sur l’herbe londonienne : Roger Federer, Novak Djokovic et Pete Sampras.
Federer, c’est l’esthète. Le joueur au coup droit velouté, au revers léché, à la grâce naturelle. Huit titres à Wimbledon, record absolu. Et pas des titres volés : entre 2003 et 2009, le Suisse transforme le Centre Court en jardin privé. Une dynastie. Une ère. Une masterclass permanente.
Derrière, Djokovic n’est pas en reste. Le Serbe, plus mécanique mais diablement efficace, a empilé les trophées (sept à ce jour), et son emprise sur le tournoi s’est intensifiée au fil des années. Moins romantique que Roger, mais tout aussi impitoyable. Machine à broyer les rêves.
Et Sampras ? Le pionnier des années 90. Service-volée chirurgical, mental en béton. Lui aussi a quitté le gazon avec sept couronnes et l’aura d’un homme intouchable à son apogée. À l’époque, on pensait qu’il avait atteint un sommet que personne ne franchirait. Jusqu’à ce qu’un certain Federer débarque…
Le sacre du maître : Federer, des doutes aux sommets
Ce qui rend l’histoire de Federer aussi magique, c’est qu’elle ne part pas d’un conte de fées. En 1999, 2000 et 2001, Roger sort dès le premier tour. Trois claques d’entrée, qui auraient pu faire de lui un talent égaré comme tant d’autres.
Mais il y a ce match contre Sampras en 2001. Quart de finale. Choc des générations. Et là, un môme de 19 ans dégaine des coups de génie pour sortir le roi en cinq sets. Le signal est lancé. Le trône commence à vaciller.
Deux ans plus tard, Federer est prêt. En 2003, il remporte son premier Wimbledon. Puis 2004. Et 2005. Il devient injouable sur herbe. Un danseur d’opéra au centre d’une mêlée rugissante. Durant ces trois éditions, il ne perd que quatre sets en tout. Inhumain.
Les duels qui ont forgé la légende
Chaque roi a besoin d’un rival pour exister. Et Federer a trouvé le sien : Rafael Nadal. Deux mondes qui s’opposent. L’un aérien, l’autre terrien. Le styliste contre le gladiateur. À Wimbledon, leurs confrontations ont marqué l’histoire.
En 2006 et 2007, Federer l’emporte. Mais en 2008, Nadal fait trembler la terre (et le ciel). Une finale irrespirable, suspendue dans le temps. Cinq sets. Des interruptions à cause de la pluie. Une tension dramatique. Et à la fin, Rafa s’impose 9-7 dans le cinquième. Un chef-d’œuvre absolu. Probablement le plus grand match de l’histoire du tennis.
L’année suivante, Federer revient. Le scénario est tout aussi fou. Une finale face à Roddick, tendue comme un élastique. Le Suisse finit par arracher le titre 16-14 au cinquième. Une victoire à l’usure, au courage. Pas juste un virtuose. Un combattant.
Les géants du gazon : au panthéon de Wimbledon
Federer a peut-être le record. Djokovic, l’hégémonie récente. Sampras, l’aura des années 90. Mais ils ne sont pas seuls sur les murs du temple.
Björn Borg, l’icône froide venue du Nord, a aligné cinq titres consécutifs entre 1976 et 1980. Un monstre de calme et d’élégance, qui a tout quitté au sommet, laissant un parfum de mystère.
McEnroe, lui, a apporté la folie. Les coups de gueule, les volées magiques, les finales épiques contre Borg. Becker, le prodige de 17 ans qui a électrisé Londres. Edberg, le styliste. Agassi, l’intrus en jean et bandana. Murray, le héros local qui a brisé la malédiction britannique. Et plus récemment, Carlos Alcaraz, déjà sacré si jeune, et qui semble promis à une grande histoire sur l’herbe.
Alors, qui est le vrai roi ?
La vérité, c’est qu’il n’y a pas qu’un seul roi. Wimbledon n’est pas un trône, c’est une cour. Une scène où plusieurs souverains se sont succédé, chacun avec son style, sa domination, son époque.
Federer reste celui qui a fait aimer le tennis à une génération entière. Djokovic, celui qui a réécrit les règles de la longévité. Sampras, celui qui a bâti le modèle.
Mais Wimbledon, ce n’est pas qu’une histoire de chiffres. C’est une question d’émotion. De grâce. De mémoire collective. Et à ce petit jeu-là, difficile de ne pas voir Federer flotter un cran au-dessus.
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