Brooklyn, berceau d’un talent brut
À Bay Ridge, le nom de Chris Mullin résonne encore comme une légende urbaine. Un gamin blond au tir chirurgical, qu’on voyait traîner dans les gymnases quand tous les autres rentraient chez eux. Il avait cette obsession, presque maladive, de la perfection. À Xaverian High School, puis à St. John’s, il bossait comme si chaque shoot pouvait changer sa vie. Et peut-être qu’ils l’ont vraiment changée, ces shoots, parce que très vite, tout le monde a compris : ce type n’était pas comme les autres.
Team USA, Final Four et promesse de grandeur
1984. Los Angeles. Mullin a 21 ans et il porte déjà la bannière étoilée avec les plus grands. Une médaille d’or olympique en poche, trois sélections All-American, un titre de Joueur de l’année en NCAA, et une place au Final Four. Il n’était pas flashy, pas spectaculaire. Mais il tuait doucement, à coups de jumpers en pleine tête. Le genre de joueur qui ne fait pas le show mais qui gagne. Naturellement.

L’ivresse silencieuse du succès
Mais dans l’histoire de Chris Mullin, il y a une deuxième face. Une plus sombre. Celle qu’on ne voit pas sur les highlights. Quand il débarque en NBA, Draft 1985, il a tout pour exploser. Pourtant, derrière les sourires polis et la gestuelle parfaite, Mullin cache une addiction qui lui colle à la peau. L’alcool. Don Nelson, son coach aux Warriors, le confronte dès 1987. “Tiens, essaye de ne pas boire pendant six mois.” Il tiendra… trois semaines. Le vernis commence à craquer.
Solitude californienne et spirale dangereuse
San Francisco, pour lui, c’est le désert. Loin de Brooklyn, loin de ses repères, Mullin se perd. Il loupe des entraînements. Il oublie des rendez-vous. Il s’enferme. L’alcool n’est plus une échappatoire, c’est un labyrinthe. Et pendant que les fans attendent l’éclosion du génie new-yorkais, le joueur s’efface derrière le fantôme de lui-même. Il touche le fond, sans que personne ne le voie vraiment chuter.
Le moment charnière : choisir de vivre
Un jour, Mullin dit stop. Pas un stop dramatique, hollywoodien. Un vrai stop, intérieur. Fatigué d’avoir honte, fatigué d’avoir peur. Il entre en rehab, assume sa faille. Et surtout, il revient. Pas en star déchue. En survivant. Entre 1989 et 1993, il enchaîne cinq saisons de rêve. Plus de 25 points de moyenne. Cinq All-Star Games. Il retrouve son tir, son feu, sa rage. Et il ne le doit à personne, sauf à lui-même.
Une légende aux cicatrices visibles
Chris Mullin n’a jamais crié victoire. Il n’a jamais posé en héros. Mais son parcours parle pour lui. Il est entré au Hall of Fame en 2011, et chaque jeune qui découvre son histoire voit autre chose qu’un joueur au shoot parfait : il voit un homme qui est tombé, qui s’est relevé, et qui n’a jamais triché. Ni avec le jeu, ni avec ses démons.
Parce qu’au fond, c’est ça, la grandeur : ne pas être parfait. Mais rester debout quand tout menace de vous faire plier.
Crédit photo : Doug Pensinger/Getty Images
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