Les titres à astérisque : une obsession bien américaine
C’est un débat qui ressurgit à chaque printemps, dès que les Playoffs s’emballent et que le trophée Larry O’Brien commence à briller à l’horizon. Un débat à l’américaine, avec des arguments enflammés, des souvenirs sélectifs et beaucoup de mauvaise foi : quels titres NBA méritent un astérisque ?
Depuis que Phil Jackson, dans un moment de mauvaise humeur légendaire, a lancé l’idée après le lockout de 1999, le concept s’est incrusté dans l’inconscient collectif. Chaque année, une partie de la planète basket semble chercher des excuses à la victoire des autres. Et forcément, en 2020, avec la fameuse « bulle » d’Orlando, la conversation est repartie de plus belle.
2020, un titre sous cloche
Rappel des faits : en pleine pandémie mondiale, la NBA stoppe tout. Puis, trois mois plus tard, elle réunit 22 équipes dans un campus géant à Disney World pour boucler une saison suspendue en plein vol. Aucun public, pas de déplacements, des tests PCR à la chaîne et des joueurs coupés du monde pendant des semaines.
C’est dans cet environnement aseptisé que les Lakers de LeBron James vont s’imposer, au terme d’un run impeccable et parfaitement géré. Mais voilà : très vite, certains crient à la facilité. « Ce n’est pas pareil », disent-ils. Trop de repos, trop peu de pression, pas de public adverse pour influencer l’arbitrage ou déstabiliser un joueur aux lancers. Bref, un environnement trop neutre pour être pleinement légitime.
Des voix qui grincent
Parmi les sceptiques, un nom ressort souvent : Daryl Morey. Le boss des Sixers, alors encore à Houston en 2020, n’a jamais caché ses réserves. Il parle d’un contexte trop éloigné de la vraie compétition. D’un titre « différent », sinon « amoindri ». Mais dans un moment d’honnêteté rare, il reconnaît aussi que si ses Rockets l’avaient gagné, il aurait sabré le champagne comme tout le monde. Évidemment.
Et c’est là que le débat se complique. Car dans le fond, chaque saison NBA est unique. Il y a des blessures, des décisions arbitrales douteuses, des calendriers bancals ou des bouleversements inattendus. Doit-on ajouter un astérisque au titre des Raptors en 2019 parce que Kevin Durant s’est blessé ? À celui des Warriors en 2015 parce que Cleveland était décimé ? Où place-t-on la ligne rouge ?
LeBron, avocat de la pureté
LeBron, lui, n’a jamais laissé la moindre place au doute. Pour lui, ce quatrième titre est peut-être le plus dur à aller chercher. Pas pour le niveau en face, mais pour l’isolement, la routine oppressante, l’absence de repères. « C’était du basket dans sa forme la plus pure », a-t-il lâché. Pas de distractions, pas de show-business, juste le jeu. Et une mission.
D’ailleurs, ceux qui ont vécu la bulle de l’intérieur le confirment : mentalement, c’était un marathon. Trois mois à vivre dans le même hôtel, à croiser ses adversaires dans l’ascenseur, à jouer sans la moindre ambiance. Pour beaucoup, ce fut la période la plus exigeante de leur carrière. Une épreuve de concentration absolue.
Un héritage plus fort que les débats
Au final, la bulle a marqué l’histoire. Elle a montré la capacité de la NBA à s’adapter dans un monde à l’arrêt. Elle a permis aux fans de vibrer à nouveau dans un contexte morose. Et elle a offert à LeBron un quatrième sacre, dans une équipe qui n’avait pas vu les Finales depuis dix ans.
Alors oui, le débat subsiste. Mais ce titre a existé, il a été gagné dans les règles, avec une défense de fer et un duo LeBron–Davis injouable. Il n’a pas moins de mérite qu’un autre. Il est juste différent. Comme tous les autres, finalement.
Un sport fait pour les débats
C’est aussi ça, la NBA. Une machine à raconter, à décortiquer, à polémiquer. Le titre 2020 rejoindra la longue liste des bagues discutées. Comme celles des Spurs en 1999, des Heat en 2012, ou même des Warriors en 2017. Parce qu’à chaque ère, ses contextes, ses blessures, ses « si ».
Mais à la fin, un titre, c’est un titre. Il ne s’efface pas. Il ne se négocie pas. Il se gagne. Et personne n’a jamais réussi à truquer une série au meilleur des sept matchs. Ni les circonstances, ni les haters, ni même un astérisque.
Crédit photo : Getty Images
Laisser un commentaire