Boris Becker et Alexander Zverev : entre admiration, tension et zones d’ombre
Il y a quelque chose d’étrange dans la façon dont Boris Becker parle d’Alexander Zverev. Comme un oncle trop présent, toujours là pour donner son avis, même quand on ne lui a rien demandé. Une figure tutélaire du tennis allemand, certes. Mais à force de trop tendre le micro, l’ancien numéro un mondial finit par déranger. Et Zverev, lui, commence sérieusement à en avoir assez.
Tout récemment, lors d’un événement multisports organisé en Allemagne, Becker a encore glissé un mot sur « Sascha ». Un commentaire de plus, presque machinal. De l’extérieur, ça peut passer pour de la bienveillance. De l’intérieur, ça commence à ressembler à une obsession.
Une relation teintée de paternalisme
Becker aime dire qu’il voit en Zverev une sorte de « fils spirituel ». Il parle d’admiration mutuelle, de complicité, d’un fil invisible tissé par la passion du tennis. « J’ai beaucoup d’affection pour lui », a-t-il répété en public, comme pour se rassurer.
Mais à 27 ans, Zverev ne cherche plus un mentor. Encore moins un commentateur attitré. Il veut exister par lui-même, écrire son histoire sans avoir à subir l’ombre pesante d’une légende nationale. Ce que Becker pense être de l’amour paternaliste, Zverev le vit peut-être comme une surveillance permanente. Et à ce stade de sa carrière, cette présence commence sérieusement à lui coller aux basques.
Quand les conseils deviennent des piques
La dernière étincelle, c’est Wimbledon. Éliminé au premier tour, Zverev n’a pas fui. Il a parlé vrai. De sa fatigue mentale, de ses doutes. Une prise de parole rare, sincère. Et courageuse. Mais pour Becker, ce n’était pas le moment.
« Si j’avais été son coach, je lui aurais dit de ne pas dire ça », a-t-il balancé. « Ce n’est pas une bonne idée de s’exposer après une défaite. »
Dit comme ça, ça sonne comme une leçon. Mais ce n’est pas la première. Et ça n’est sûrement pas la dernière. Le problème n’est pas tant le fond. C’est le ton. Le besoin irrépressible de toujours commenter. Même quand personne n’a demandé son avis. Même quand l’autre tente, tant bien que mal, de garder un semblant de contrôle sur son propre récit.
Entre admiration et agacement
Il n’y a jamais eu de clash frontal entre les deux. Pas encore. Zverev a toujours su garder une certaine forme de respect. Parce que Becker, c’est Becker. Une icône. Une légende vivante. Mais derrière les sourires polis, on devine une lassitude.
Parce qu’à force de prendre la parole, Becker en dit trop. Et donne parfois l’impression de faire passer Zverev pour un éternel apprenti. Comme si le simple fait de ne pas avoir encore gagné un Grand Chelem suffisait à remettre en cause toute sa légitimité.
Sauf que Zverev, lui, rame depuis des années. Avec ses blessures, ses drames personnels, ses montagnes russes mentales. Il est là, toujours dans le top, toujours en course. Et il en a peut-être assez d’entendre qu’il « n’a pas encore le niveau » ou qu’il « aurait dû faire autrement ». Surtout quand ça vient d’un homme qui, visiblement, ne sait plus vraiment comment se taire.
Indépendance ou rupture ?
Alors, que faire ? Continuer à composer avec cette présence, entre soutien public et tacles à peine voilés ? Ou couper le cordon une bonne fois pour toutes ?
Zverev n’est pas du genre à exploser en public. Il prend sur lui, encaisse, avance. Mais jusqu’à quand ? À un moment, il faudra peut-être hausser le ton. Imposer le silence. Ou du moins poser des limites claires. Parce que ce brouillard autour de lui commence à brouiller sa trajectoire.
Et c’est peut-être ça, le plus ironique. Becker dit vouloir aider. Mais à force d’exister trop fort, il étouffe. Et Zverev, s’il veut vraiment toucher les sommets, devra sans doute, un jour, couper court à cette relation toxique qui dit ne vouloir que son bien.
Le tennis est un sport cruel. Solitaire. Brutal. Il n’y a pas de place pour les fantômes du passé qui reviennent sans cesse hanter l’instant présent. Et pour Zverev, le plus grand défi ne sera peut-être pas de battre Alcaraz, Sinner ou Djokovic.
Le vrai combat, c’est peut-être d’apprendre à jouer… sans regarder constamment par-dessus son épaule.
Crédit photo : AFP
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