Cameron Norrie, le guerrier de Wimbledon
Quand Cameron Norrie s’est écroulé sur le gazon, ce n’était pas du cinéma. Pas un geste calibré pour les caméras. Pas une mise en scène de sportif en transe. Non. C’était juste un mec, vidé, ruisselant, qui venait de tout lâcher. Le souffle, les jambes, le peu d’énergie qu’il lui restait. Et bordel, que c’était beau.
Ce dimanche, sur le mythique Centre Court, Norrie a servi un match comme on n’en voit plus. Un truc sale, dur, long. Une vraie guerre de tranchées contre Nicolas Jarry. Cinq sets à s’arracher la peau (6-3, 6-7[4], 6-7[7], 6-7[5], 6-3), des tie-breaks tendus comme un tambour, et ce cinquième set qu’il est allé chercher au cœur du chaos.
Le gazon l’a avalé, puis recraché
Tu sais que t’as assisté à un truc fort quand le vainqueur tombe à terre comme s’il avait perdu. Cette image-là, elle va rester. Cameron à genoux, les bras ballants, le regard flou. Pas de cri, pas de poing levé. Juste la fin d’un calvaire.
En conf de presse, il a été cash. Éreinté mais lucide. Un journaliste lui balance qu’on l’a rarement vu s’écrouler comme ça après une victoire. Sa réponse ? « C’est vrai. C’était monstrueux aujourd’hui. »
Pas besoin d’en dire plus.
Jarry, en face, n’a rien lâché non plus. Le Chilien a joué au pitbull, collé aux basques de Norrie jusqu’à l’asphyxier. Il lui a volé deux tie-breaks d’une précision clinique, propre, implacable. À ce moment-là, tout le monde pense que Norrie va exploser en vol. Mais non. Il serre les dents, remet le bleu de chauffe et trouve un cinquième set de mutant. De chien fou.
Un come-back au goût de sang
Il faut replacer le contexte. Norrie sort d’un tunnel long comme une journée sans pain. Douleurs, blessures, trous d’air mentaux. Son classement s’est effondré, les victoires ont disparu, la confiance avec. Il aurait pu lâcher. Il ne l’a pas fait.
Il s’est remis au taf, à l’ombre, loin des tweets et des caméras. Le genre de boulot que personne ne voit. Et là, sur le central de Wimbledon, tout est remonté à la surface. La sueur, le taf ingrat, les heures en salle à faire bosser un genou qui grince.
« J’ai bossé pour revenir ici. Ce genre de match, c’est une récompense », a-t-il lâché, presque gêné. Classique Norrie. Pas de vagues. Juste la vérité.
Alcaraz en embuscade
Là, on change de braquet. Ce mardi, c’est Carlos Alcaraz qui se dresse sur la route. Le patron. L’ogre. Le mec qui court plus vite que ton ombre et cogne comme un sourd. Double tenant du titre, pas là pour faire du sentiment.
Norrie le sait. Il va falloir sortir un match parfait. Et encore, même ça risque de ne pas suffire. Mais il s’en fout. Parce que maintenant, il est lancé. Et un joueur lancé, porté par un stade entier, c’est dangereux. Très dangereux.
Surtout quand t’as plus rien à perdre.
Le public a vibré, et ça, ça ne ment pas
Le Centre Court ne triche pas. Quand il se lève, quand il hurle, quand il tremble, c’est que quelque chose se passe. Et ce dimanche, il s’est passé Norrie.
Un match pas propre, pas lisse, mais viscéral. Le genre qui ne se gagne pas au talent mais au mental. Le genre qu’on n’oublie pas.
Quand il a quitté le court, lessivé mais debout, le public lui a rendu ce qu’il venait de lui offrir : du respect. Du vrai. Celui qu’on donne aux gens qui vont au bout d’eux-mêmes, qui se dépouillent pour une balle, pour un set, pour un souffle.
Cameron Norrie ne gagnera peut-être jamais Wimbledon. Mais ce soir, il a gagné quelque chose de plus rare : une place dans les mémoires. Et dans le cœur des gens.
—– P. Lahalle/—–
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